Dans la pratique du hatha-yoga, la plupart des techniques ont une action sur nos énergies subtiles. Les asanas ont tendance a les équilibrer, les pranayamas à les augmenter. Il est bienvenue et même nécessaire d’y ajouter certains sceaux ou mudra pour amplifier leurs effets. Parmi ces mudras, se trouve la « famille » des bandhas. Ces contractions ont pour but de verrouiller le corps énergétique. Celui-ci, ainsi étanche, nos énergies ne vont plus se perdre et pourront être ré-orientées. Le feu de nos énergies ainsi concentré, on va pouvoir l’utiliser pour d’abord renforcer notre santé, puis atteindre les états méditatifs recherchés dans le yoga.
L’illustration ci-dessous représente les Danaïdes condamnées au supplice de remplir un tonneau troué. On peut la mettre en corrélation avec la pratique du yoga sans les bandhas.
Les différents bandhas
Mulabandha, la fermeture de la base
La Siva Samhita le décrit ainsi :
Fermer l’anus et y appuyer le talon, puis tirer vers le haut l’énergie excrétive, apana, et la mener vers la région supérieure. C’est mulabandha qui vainc la vieillesse et la mort. Cette ligature permet l’union des énergies vitales excrétrices et respiratoires, apana et prana, et ainsi le geste de la matrice, yonimudra, s’exécute de lui même.
La hathayogapradipika décrit mulabandha d’une façon très similaire :
Prana et apana, nada et bindu, lorsqu’ils sont unifiés par mulabandha, donnent la perfection ultime du yoga. L’unification de prana et d’apana a pour résultat la diminution des excréments et des urines. Même un vieillard rajeunit en pratiquant continuellement mulabhanda (…)
Apana est l’énergie d’excrétion. Elle part naturellement du ventre et descend. Lorsqu’on pratique le yoga, il est important de la faire remonter. Pour cela, les textes proposent deux choses :
- de placer un talon sous le périnée lors de la posture assise.
- de contracter légèrement l’anus, tout le temps de la pratique, voir au delà.
L’exercice de contraction est difficile au début, mais petit à petit avec patience et régularité, il devient naturel.
Les fruits de cette contrainte sont nombreux.
- au niveau santé : les maîtres prétendent qu’elle allongerait l’espérance de vie. Sa tenue aide à tenir plus longtemps dans les postures de yoga.
- au niveau énergétique : préservation et concentration de nos énergies pour permettre à kundalini de s’éveiller.
Jalandharabandha : la contraction du réseau
La gueranda samhita l’a décrit ainsi :
Faire la contraction de la gorge en y appuyant le menton avec fermeté. Par ce jalandhara les seize supports, adhara, sont ligaturés. C’est une grande mudra qui permet de conquérir la mort.
Cette contraction ou ligature du réseau, donne au yogin tout les pouvoirs occultes. Après six mois de pratique assidue, on devient sans aucun doute un siddha.
Dans ce bandha, on appuie donc le menton contre la poitrine. Il est intéressant de noter que ce mudra est placé systématiquement dans de nombreuses postures de yoga.
Par exemple, dans paschimotasana, le menton est automatiquement posé contre la poitrine. Ou dans shirshasana où la gorge est systématiquement contractée.
Uddyanabandha, la contraction de l’envol
La Gueranda Samhita nous dit ceci :
Rétracter le ventre vers l’arrière, étirer vers le haut la partie située au dessus du nombril. C’est grâce à cette contraction que les « grands oiseaux » (les souffles vitaux) prennent sans cesse leur envol. Uddyana est comme un lion qui dompte l’éléphant de la mort.
Les effets d’uddyanabandha. De toutes les contractions, uddhyana est la meilleure ; sa pratique régulière mène à la libération qui devient alors l’état naturel.
Ce bandha s’applique dans la plupart des postures. Outre son effet énergétique, il est bon pour les organes digestifs d’être bien maintenus.
On place les autres bandhas et on tient ainsi en rétention à vide. L’ensemble forme le tribandha.
Les trois textes classiques du yoga nous disent que ce bandha a pour bienfait d’augmenter la longévité.
Bandha et anga
Le hatha yoga propose différentes pratiques ou disciplines pour avancer sur le chemin, les 8 anga. Appliquer les bandhas est nécessaire dans certaines des pratiques.
En se référant aux divers aphorismes du yoga sutra on peut mettre en corrélation l’application des bandhas qui propose une certaine discipline aux extraits ci-dessous.
21. Le but est très vite atteint par ceux qui s’y appliquent avec ardeur.
22. Donc la rapidité du succès est fonction de la mollesse, de la demie mesure ou de l’ardeur de la pratique
Appliquer les bandhas est une contrainte pour tous. On restera dans la mollesse et la demi mesure si on s’en abstient. Mais en pratiquant avec ardeur, ces techniques deviendront naturelles.
Bandha et âsana
Les bandhas devraient être appliqués dans chaque posture de yoga. Certaines d’entre elles, dans leur forme nous les font mettre automatiquement. Il sera judicieux de percevoir la différence de sensations entre les moments ou ils sont verrouillés et ceux ou ils sont relâchés.
Bandha et pranayama
Lorsque l’on pratique des techniques de pranayama il est absolument nécessaire d’appliquer les bandhas. Le cas échéant l’énergie gagnée s’évaporerait aussi tôt et n’aurait donc aucun intérêt.
Bandha : en conclusion
Les bandhas sont vraiment compliqués à tenir quand on commence à pratiquer le yoga. Cependant, mettre un peu de bonne volonté pour les appliquer vous donnera un contrôle certain sur vos énergies vitales en les équilibrant et les stabilisant. On peut se rendre compte de leur effet sur la santé avec un peu de pratique.
Il est aussi possible de percevoir les énergies sur lesquels travaillent les bandhas pour peu que l’on pratique avec une intention méditative en se concentrant sur les nadis ou chakras.
Pour réaliser cette étude, je me suis aidé entre autres des excellents ouvrages suivants :
Ces trois livres sont des traductions des textes appelés : « les trois classiques du yoga ». Les deux premiers sont de Jean Papin et le dernier de Tara Michael.
Merci à Jo du site Yogafire pour la démonstration d’Halasana, une posture inversée ou jallandharabandha s’applique systématiquement.
Oh et pour finir, cette petite vidéo qui explique comment appliquer les bandhas en posture de méditation sur le ton de l’humour.
Fiuuu pas évident, vraiment bien d’avoir bien détaillé ton explication, notamment avec les citations de textes sur les bandha. Bon boulot !
Merci beaucoup. J’ai du me contenir, il y avait aussi plein de précisions dans les upanishades. J’aurais aimé en trouver dans le corpus des tantras mais trop peu ont été traduit en français.
Super article, Merci!
Excellent article sur les bandhas avec références des textes anciens.
Pour mulabandha, la pratique est légèrement différente pour les femmes parce qu’elle se fait plutôt au niveau du col de l’utérus. En as-tu trouvé des mentions dans les textes ?
Ah oui ! J’ai adoré ta vidéo et le fait que tu donnes des options accessibles aux débutants.
Je découvre ton site et j’aime ce mélange entre l’ancien et le moderne 🙂
Les textes parlent d’un mudra bien précis pour ce qui concerne le périnée, il est appelé « yoni mudra » dans la Siva Samhitâ qui y consacre plusieurs versets (a ne pas confondre avec le geste de la main qui s’appelle aussi ainsi). Dans le texte de la Yoga Tattva Upanishad cette contraction est appelée « yoni bandha »
Ce n’est pas la première fois que l’on me communique que c’est différent pour les femmes malgré la précision des textes. Pour autant ma logique masculine me porte à penser qu’il faut vraiment dissocier les deux. Je pense que cette déviance (si s’en est bien une) vient du fait que les nouveaux yogas à la mode qui ont émergé au 20 ème siècle prenaient surtout en compte le corps physique sans considérer les énergies subtiles.
Merci sinon 🙂
J’adore ton site. Tes explications sont Claires droles et cependant vraiment serieuses. Comment ne pas avoir envie de s’y mettre ! Bravo
Hello Sébastien,
Pour compléter, dans « YOGA ET SYMBOLISME » Shri Mahesh,
« Bandha » en sanskrit, signifie chaîne, ligature, lien, ce qui attache solidement: il s’agit donc d’un concept opposé à celui de détente et de libération. Les » bandhas » agissent à partir de pressions effectuées à l’intérieur du corps, sur les fonctions nerveuses et endocriniennes et sur le mental. Ils lient les canaux subtils (nadi) ou resserrent les organes. Les textes mentionnent, en particulier, 4″ bandhas »,
JIVHA BANDHA: on presse la langue contre le palais pendant dans la rétention du souffle, c’est le » bandha » le plus pratiqué. (pour ma part je ne le connaissais pas)
JALANDHARA BANDHA : il se pratique pendant la rétention ; le menton est abaissé et appliqué le long de la gorge, vers le sternum.
UDDIYANA BANDHA : il s’agit d’aspirer le ventre vers l’intérieur par une forte dépression intra-thoracique crée par le soulèvement des côtes et par le maintien abdominal.
MULA BANDHA : on resserre légèrement l’anus. Ce « bandha » est souvent pratiqué en même temps que UDDIYANA BANDHA. Ces 3 derniers » bandhas » sont désignés généralement sous le nom de « bandha traya »
PS/ Je regarderais d’autres références pour ton site, au cas ou ! NAMASTE.
Merci pour le commentaire, je n’avais jamais lu « bandha traya », dans les textes traditionnels que j’ai étudié ils utilisaient le terme « tri bandha ».
Bonjour, c’est un super article je comprend mieux les bandha maintenant! l’énergie qu’elle contient.
Namasté helena