On entend beaucoup de choses sur le tantra ou tantrisme, tout le monde a sa petite idée. Pour autant on tombe bien souvent dans l’illusion comme d’habitude avec ce qui concerne le yoga et ses différentes voies.
Dans cet article, la première partie s’efforcera de vous donner une explication simple et précise où il conviendra tout d’abord de définir les termes.
Puis en seconde partie, des précisions plus techniques seront ajoutées pour les plus avisés.
Tantra
On utilise vulgairement le terme « tantrisme ». Les tantra sont différents textes traditionnels qui ont pénétré différents courants religieux issues de l’Inde comme le Shivaïsme, Shaktisme, Jaïnisme, Bouddhisme.
Il peut être intéressant de bien comprendre le sens du mot religieux avant de continuer.
Cet article » yoga et religion » en fourni une explication.
Quoi qu’il en soit le tantrisme est une des variétés du yoga.
Ces textes, les tantra, proposent diverses techniques ayant pour l’objet l’émergence de la conscience (appelé aussi « éveil ou samadhi »).
Ils donnent tantôt une descriptions de nos énergies subtiles (nos chakras par exemple avec le Satchakra Nirupana) tantôt des techniques méditatives avec le Vijnana Bhaïrava Tantra par exemple. Texte qui a aussi fortement influencé la pratique du yoga nidra.
Et la sexualité dans le tantra ?
Certains tantra proposent des techniques ayant rapport avec le sexe, l’orgasme. Elles sont rares, quasiment inaccessibles. Des années de pratique étaient nécessaires avant quelles puissent être proposées par le gourou.
Pour autant, quand l’occident a découvert ces textes, beaucoup ont focalisé sur ces techniques mélangeant leurs fantasmes à la spiritualité.
Souvent on tombe dans le piège de retenir et focaliser sur ce qui titille nos sens ou notre ego. On va vers ce que l’on aime et évite ce que l’on n’aime pas. Si dans la nature un homme aperçoit une femme nue, il ne va retenir que cette vision de sa journée. Ses sens focalisés sur l’objet de son désir… la nature a besoin de pérenniser.
Daniel Odier qui a écrit plusieurs ouvrages sur le tantrisme en parle bien dans cette vidéo.
Du coup, qu’est ce qu’ils proposent dans tout ces stages de tantrisme ?
Et bien généralement sont enseignées des techniques proposées par des sexologues, masseurs et autres concepts « new-age ». Dès que le bien-être ou la sexualité sont en jeu, il serait plus approprié et honnête de parler de néo-tantrisme pour différencier la pratique méditative codifiée par les fameux textes (tantra) des pratiques inventées après Woodstock pour satisfaire aux besoins de relaxation et aux fantasmes des occidentaux.
Les textes composant le tantra
Je ne parlerai que des textes des voies indiennes n’ayant personnellement aucune connaissance dans les tantra bouddhistes ou jaïn.
Très peu ont été traduits en français.
Le plus connu est le Vijnana Bhairava tantra, connu pour les nombreuses techniques de concentrations et méditations qu’il propose. La meilleure traduction française semble être celle proposée par Lilian Silburn.
Tara Michael propose une traduction de divers de ces textes dont le Satchakra Nirupana dans son livre « Corps subtils corps causal ».
Arthur Avalon a réalisé une étude poussée du tantrisme dans « La puissance du serpent ».
D’autres excellent auteurs ont contribué à nous éclairer sur ces pratiques tels Pierre Feuga, Jean Papin, Upamanyu, Lilian Silburn, Jean Bouchart d’Orval, Tara Michael…
Enfin, en anglais, vous pouvez trouver différentes traductions un peu anciennes de ces textes dans les livres illustrés ci-dessous.
Florilège d’extraits des textes formant le corpus du tantra.
Les extraits suivants sont ordonnés en respectant les étapes du yoga comme elles sont généralement proposées
Préalables
Tantrashâstradhikâra
L’aspirant doit être intelligent, avoir la maîtrise des sens, s’abstenir de nuire à aucun être, faire toujours le bien à tous, être pur, croire au Veda, avoir sa foi et son refuge en brahman et être non dualiste.
On voit ici qu’il est nécessaire d’être quelqu’un d’équilibré, discipliné et d’une grande force mentale pour aborder cette voie. Il implique que l’adepte adhère à certains réfrènements, yama
Mahanirvanatantra
En recherchant la sérénité de l’esprit, en dépassant toutes les contradictions du monde et de la conscience du corps, on peut révéler l’être pur, immuable, au-delà de l’esprit et de la parole. Ainsi on accède à l’unique vérité dans l’univers transitoire de l’esprit.
Cet extrait nous montre ce que l’on devrait rechercher dans ce chemin.
Âsana et pranayama
Rudrayamalatantra
Les âsanas contribuent à la sérénité de l’esprit
Les postures de yoga vont être d’une grande aide pour avancer dans la voie. Elle nécessite en effet que l’aspirant ne soit plus le jouet de ses pensées.
Grahayamalatantra
Lorsqu’on a perfectionné le contrôle de la respiration, le corps devient léger, on est plus joyeux, les yeux deviennent brillants, on digère mieux et on accède à la joie et à la purification intérieure.
Lorsqu’on pratique assidûment le pranayama, on peut rapidement percevoir les qualités évoquées ci-dessus.
Gandharvatantra
Le pranayama permet de contrôler le rythme du prana et d’accéder à la tranquillité d’esprit.
Il élimine les impuretés intérieures. C’est la meilleure pratique yogique. Sans son aide, la libération n’est pas possible.
Par impuretés intérieures le texte parle des blocages placés dans les nadis et provenant du karma. Le pranayama brûle littéralement nos entraves du passé. Notamment la fabuleuse technique appelée nadi-shodana.
Pratyâhâra le retrait des sens
Rudrayamalatantra
Les fluctuations de l’esprit sont engendrées par les désirs. Lorsque les désirs sont contrôlés par pratyahara, l’esprit devient serein et se concentre sur le soi.
L’esprit relié aux sens et à leurs objets est irrésistible, ferme, difficile à contrôler et peu désireux d’obéir. Le retrait par le pouvoir de la volonté est appelé pratyâhâra. En pratiquant pratyâhâra, le yogi devient serein et peut se concentrer profondément. Cela amène à l’état de yoga.
Tantrarajatantra
Dans kumbhaka, la suspension du souffle, l’esprit doit se concentrer en commençant par muladhara-chakra, puis en remontant tous les autres chakras un par un, on appelle cette pratique pratyahara.
Dharana la concentration et dhyana la méditation
Gandharvatantra
La concentration sur le gros orteil, la cheville, le genou, le scrotum, les organes génitaux, le nombril, le cœur, le cou, la gorge, la luette, le nez, l’espace entre les sourcils, la poitrine et la tête dans kumbhaka est appelé dharana
Rudrayamalatantra
La concentration sur les six centres subtils et sur la Kundalinî est appelée dharana.
Bhatashudhitantra
Dhyana est la concentration sur la forme divine tandis que dharana est la concentration sur un seul point à la fois.
Gandharvatantra
Samadhi est l’état dans lequel la conscience du moi fusionne dans la conscience suprême
Vijnanabhairava-tantra
Juste avant le sommeil, le monde extérieur effacé, dans cet espace intermédiaire la grande déesse se révèle.
Tantra : un système non dualiste
La conception de l’univers décrite dans les tantra se base sur les tattva qui sont les principes constitutifs du réel. Ils complètent, précisent et se différencient du système originellement décrit dans le samkhya.
Le yoga se base sur le samkhya qui décrit dans ses lignes la constitution de l’univers à travers 24 principes tout en séparant le principe suprême ici appelé purusha de la manifestation prakriti. Tandis que le tantrisme lui propose 36 tattvas et uni la manifestation au soi.
Le culte de shakti dans le tantrisme
À l’opposé du patriarcat brahmanique, le tantrisme valorise le féminin. Plus précisément l’énergie qualifiée de féminine dont sa manifestation essentielle est appelée shakti. Nous rappelons ici que la matière est faite d’énergie.
Le tantrisme considère le divin comme l’union d’un principe mâle, omniscient et immobile et d’un principe féminin, actif et dynamique.
Mais ici la déesse, nommée Shakti représentant l’ensemble de la manifestation tend à devenir la référence ultime. Elle est généralement identifiée aux terribles divinités shivaïtes comme Kali et Durga.
Tantra : une définition plus profonde
Les tantra sont des traités enseignant les mystères (rahasya) du culte (pûjâ) des déesses et des dieux de l’union (yoga, maithuna) de Shiva et Shakti.
Ils sont appelés âgama ou nigama quand c’est Shiva qui enseigne a Pârvati son épouse et yâmala quand ils parlent de rite.
Ici, Shiva représente le principe de la conscience. Pârvati représente le principe de la manifestation soit toutes les énergies, que ce soit la matière ou les énergies subtiles.
La terre, l’eau, le feu, l’air l’éther sont des énergies.
L’étymologie du mot peut indiquer la nature desdits traités. Le verbe tan signifie étendre, allonger, répandre, produire, causer, propager, durer.
